vendredi 13 mars 2009

Le MICROCOSME BROWNIEN de SANMAUR
[41]

Finalement, un premier épisode consacré en entier
au sujet même de ce carnet : SANMAUR !

Quelques éclaircissements et commentaires sur cette
superbe photo frontispice,
sexagénaire, qui
fourniront un fonds d’histoire de ce petit univers.


Une note, au verso de la photo, sans doute l’œuvre d’un professionnel engagé par la Brown Corporation à l’époque, indique qu’elle aurait été déposée dans les archives de la compagnie, au bureau de New York, en novembre 1949. Sauf erreur, la photo, montée sur un carton format 8 1/2 sur 11, se trouvait dans les affaires de Warren Beckler, un ancien gérant de l’usine. latuquoise Elle ne semble pas se trouver dans les archives de la Plymouth University, qui en présente des centaines de ce type, sur La Tuque et son usine, dans son site Beyond Brown Paper [http://beyondbrownpaper.plymouth.edu/item/973]. Chose certaine, elle fait partie d’une vingtaine d’autres,probablement captées à la fin de 1948 ou au début de 1949, si j’en juge par l’âge des écoliers sur la photo de groupe déjà incluse dans ce carnet et la neige abondante. Cette magnifique photo fait partie de celles que j’ai récupérés dans le réduit archipoussiéreux du sous-sol du main office de l’usine de la CIP, à La Tuque, à l’été 1965.

Pour moi, ce panorama du secteur «résidentiel» du village de la Brown à Sanmaur – l’expression m’a été fournie par mon frère Robert – a une incommensurable valeur, car il résume une bonne partie de la géographie de mon enfance dans ce lieu mythique: le logis où habitait ma famille, le parc où nous jouions, les Beaupré, les Lacasse, les Ross, les Doré, les Carrier, le trajet que parcourait mon père pour se rentre à son bureau, au store, vaste entrepôt installé parallèlement à la voie de garage du Canadien National, voie dont on aperçoit d’ailleurs les rails, à l’avant-plan. Le photographe s’était donc placé sur la voie principale du CN pour réaliser son cliché. Un objectif grand angle lui aurait presque permis de capter à gauche la gare et, plus loin, à l’ouest, l’église et l’école; à droite, l’entrepôt. Tout au fond, invisible et tranquille, coule la rivière Saint-Maurice, le long de la réserve de Wemotaci.

[– – –]

À l’arrière-plan, trois maisons au pâle revêtement. On devine, immédiatement à la gauche de la première, une partie des bandes de la patinoire, lieu de rencontres amicales d’équipes d’employés de la Brown venus de La Tuque, de Windigo, de Rapide-Blanc [1]. Habitaient cette petite construction mon oncle Patrick Renaud, dit « Ti-Pat», et son épouse, Juanita Lee, la soeur de ma mère. Les locataires du bungalow suivant, dont on ne voit qu’une partie de la face est, étaient Guillemette Alarie [2] et son épouse.

Quant à la maison à étage, on peut quasiment en parler comme d’un monument historique, gisant dans ce microcosme depuis les années 1910. Elle était alors juchée sur une butte [3], rasée vers 1948 et réduite à ce terrain vague que s’apprêtent à traverser les deux fillettes de la photo – Louise Ricard ? Ginette Carrier ? Pauline Bouchard ? – sans doute de retour du store ou de la résidence du surintendant, située tout près du gros bâtiment servant d'entrepôt et de bureau aux cols blancs chargés de garder en stock le matériel nécessaire au fonctionnement du dépôt lui-même et des camps environnants, du côté sud de la voie ferrée. On remarquera, à l’avant-plan, l’original panneau de signalisation routière.

Donc, dans cette maison transformée en logis, démolie dans les années 1970, logeaient, à l’étage, Louis Théberge, sa femme et son fils Guy, décédé dans un accident de voiture dans les années 1960, et, au rez-de-chaussée, un monsieur Brown, non apparenté, semble-t-il, à la famille patronale berlinoise. On peut penser que c’est sûrement l’un des premiers édifices érigés par la Fraser-Brace, vers 1914, en même temps que la vaste coukerie, pour y loger son personnel cadre lors des grands travaux d’aménagement du barrage à La Loutre.

Puis, en succession, érigées le long du chemin principal menant au secteur Manouane et à la rivière du même nom, ces quatre maisons, recouvertes de papier de goudron imitation brique, de couleurs différentes : deux en brun, l’une en bleu, l’autre en vert. D’abord, de gauche à droite, trois «duplex» (on écrirait aujourd’hui, « maisons individuelles jumelées ») où, en 1948, Jerry McCarthy avait mis la dernière main aux installations électriques. Le premier, visible en partie, sis à une trentaine de mètres du petit ruisseau qui marquait en quelque sorte la limite ouest des installations de la Brown, abritait deux familles : celle de J.-Alfred Dubé, le maître de poste , ancien surintendant des lieux – l’une de ses filles est devenue la belle-sœur de McCarthy en mariant Maxime Giard, et une autre, la mère de Paul Tremblay, généreux collaborateur de cette chronique cantinienne –, et celle de Bruno Carrier. La petite rallonge, une espèce de cabanon qui doit bien avoir un nom (descente de cave ?) qui y est raccrochée donne accès au sous-sol, permettant, l’hiver, de jour et de nuit, à l’homme de la cour [4] de bourrer la chaudière de la fournaise du chauffage à air chaud de la maison. Dans celui du centre vivaient les familles d’Albert Ricard et de Paul Bouchard, arrivés de Windigo en 1948.

Finalement, le troisième duplex, disposé perpendiculairement au chemin principal, sa façade donnant sur celle du cinq logis, construit après les maisons jumelées, duquel on aperçoit la face sud–, qui accueillait la famille nombreuse de Jos Ross et une autre dont je ne me rappelle pas. Des Foley ? Jean-Pierre Ricard et Louis Lacasse sauraient sans doute me renseigner.

Dans ce cinq logis, édifice à peine plus imposant que les duplex, créchait bien du monde : au sous-sol, Alfred Beaupré et Mariette Bertrand et leurs enfants, sur qui je reviendrai; au rez-de-chaussée, les familles de John Lacasse et d’Oscar Doré, eux aussi arrivés de Windigo; à l’étage, côté sud, Émile Cantin, Maizy Lee et les trois flows. Ma famille devra patienter presque deux ans, à Chaudière, dans une espèce de cabane en rondins, avant de s’y installer. Mariette et Maizy ont laissé ont laissé des archives photographiques imposantes de leur marmaille. Le logis du nord, au-dessus de celui des Doré, était la plupart du temps occupé par un médecin (j’ai souvenance d’un Saint-Onge et d’un Dupré) et parfois par des patrons venus à Sanmaur en tournée d’inspection et qui allaient soigner leur stress au scotch et au gin.

Derrière l’édifice bien identifié par l’enseigne «Brown Corporation», où se trouvent les services de l’administration locale, où, certains matins, se pointaient des centaines de bûcherons, descendus du train de nuit venu des Bas, pour y trouver un job, on entrevoit un petit bâtiment recouvert de papier goudron noir, avec son annonce de 7up : c’est le «retail store», c’est-à-dire, en bon français, l’épicerie et la boucherie, services accessibles d’abord aux familles des employés de la Brown, mais aussi aux autres résidants et aux Autochtones de Wemotaci. Y travaillaient Patrick Renaud et Armand Rheault [5] et aussi ma tante Juanita. Patronage !

La même aire géographique, d’un autre angle
Une autre illustration produite par la Brown et
épargnée de la dompe en 1965.
Archives Pierre Cantin.

Une scène qu’on dirait saisie au dix-neuvième siècle ! Les mêmes résidences browniennes, perçues de l’ouest, par le même professionnel de la boîte noire, captées depuis la route menant à la rivière Manouane, à la hauteur du petit ruisseau déjà mentionné.

À gauche, le dispensaire conjoint de la Brown et de la Canadian International Paper. Le site Beyond Brown Paper propose une photo de l’intérieur de ce qu’on présente comme un «hôpital». J’y ai laissé des commentaires qui devraient intéresser Sanmaurois et Sanmauroises : http://beyondbrownpaper.plymouth.edu/item/972#comment-1780.

On y distingue mieux le troisième duplex, dont la partie de gauche logeait le bureau de poste – on peut d’ailleurs en voir la plaque, à la hauteur de l’épaule droite du type sortant de l’endroit –, de même que la façade du cinq logis. Notre lévigneroume donnait sur ce balcon, d’où nous pouvions apercevoir la rive gauche de la Saint-Maurice, quelques habitations de Wemotaci. À gauche du balcon, la fenêtre de la chambre des enfants Cantin. Une cage d’escalier, à l’arrière donnait accès aux étages et au sous-sol. Celle qui donnait sur l’ouest offrait, en hiver, un joyeux spectacle, celui du soleil couchant passant à travers la haute fenêtre constituée d’une colonne translucide de blocs de verre.

À la droite de cette maison, au fond, le garage et les ateliers de mécanique, plus près, là où se trouve aujourd’hui le pont enjambant la Saint-Maurice et menant à Wemotaci, gisait, abandonné, un bateau, peut-être le J. H. Carter, dont parle McCarthy; puis, juste derrière le cinq logis, la petite remise abritant la génératrice au diesel qui fournissait l’électricité au village. Les poteaux la jouxtant sont encore visibles de nos jours, étalés par terre, presque tous pourris.

Dans le traîneau, deux des enfants de Freddy Houle, je croirais. La famille habitait, immédiatement après la grotte mariale, en bas d’une petite côte (aplanie depuis, presque disparue), la première maison du secteur dit de «Manouane».
L'église, le dispensaire en construction, les logis des Dubé,
Carrier et Ricard. À l'avant-plan, à gauche, le court de tennis, pas
encore clôturé. Plus haut, avant l'église, le «camp» du
restaurateur Pothier. Vers 1948.
Archives de Patrick RENAUD.

Vue partielle du secteur administratif et industriel !
Cette photo, sûrement de 1948, est justement prise
de la butte qu’on est en train d’aplanir. On voit le tracteur
à chenilles, garé à droite, à l'avant-plan.

J'ai l'impression, à l'examen des photos, que la butte a d'abord
été grugée par les travaux nécessaires à l'installation de la voie
ferrée du Transcontinental, en 1910, à partir du pont ferroviaire
de Weymont, en aval de la réserve de Wemotaci.


La qualité de la photo n’est pas terrible. Je l’ai captée, en mai 2006, à main levée, dans l’ancien presbytère devenu auberge où, recouverte de plastique, elle était fixée au mur. Elle est en fait l’agrandissement d’une carte postale faisant partie d’un jeu imprimé au début des années 1950. La Bibliothèque nationale du Québec, à Montréal, ne l’a pas. Et voilà qu’un fabuleux hasard fait en sorte que, au moment de mettre cet épisode 41 en ligne, je la trouve sur Ebay. J’ai misé. Bien sûr. L’exemplaire mis à l’enchère précise que la carte, intitulée «Batisse [sic] de la Brown Corporation», a été «published by Associated Screen News Limited, Montreal» [6].

La grosse maison blanche est la grande cuisine communautaire, la coukerie, l’une des plus vieilles bâtisses de Sanmaur. Des employés célibataires y avaient leur chambre à l’étage. Immédiatement à droite, le staff house, autre lieu de pension des employés locaux de la Brown.
À droite, le parc aux carburants, où passait la voie de garage qui se rendait jusqu’à la rivière et qui datait de 1914 environ, installée là par la Fraser-Brace pour y mettre à l’eau les bateaux achetés, entre autres, de Jean-J. Crête, homme d’affaires finaud. La vente de ces embarcations, et leur transport, racontés par Albert Tessier, feront l’objet d’un prochain épisode. Il reste la base d’acier et de béton qui supportait la grosse citerne, à droite. Autre vestige de ces années. J’en reparlerai.

Sanmaur. Carte postale, vers 1950.

Le commentaire lié à cette carte de la collection de la BNQ, situait ces maisons à … Shawinigan. Décidément, La Tuque et la Haute-Mauricie feront toujours l’objet de nombreuses méprises de la part des gens d’En-Bas… L’image a été prise à partir du restaurant de Gaston Pothier [voir note 2], autre entrepreneur perspicace. Son établissement, qui survivra longtemps à la fermeture du dépôt par la CIP, est l’un des lieux des lieux fréquentés par les personnages du roman de Normande Élie, Escale à Sanmaur, futur objet d’un épisode.

La petite construction blanche, au toit pointu, à travers les arbres qui cachent un court de tennis, c’est la première école. En 1948, elle sert d’entrepôt puisqu’une autre, plus vaste, deux salles de classes et logis pour les institutrices, a été bâtie à côté du presbytère. Et le petit ruisseau, déjà signalé, traverse ce boisé, après être passé sous la voie ferrée, ses eaux se jetant dans la Saint-Maurice, lequel coule vers l’est, au pied des montagnes à l’arrière.

La gare de Sanmaur
En direction de l'est, 1948. Photo aimablement fournie par Jean-Guy Hamel.

Si le photographe avait orienté son objectif davantage vers la droite, au sud-est, il aurait capté la gare. C’est ce qu’a fait Jean-Guy Hamel, télégraphiste à la retraite, l’un des premiers à me faire parvenir de la documentation sur Sanmaur, où il travailla une bonne partie de 1948 pour le compte du Canadien National. C’est une des photos prises cette année-là, sur laquelle on peut voir un autocar de la Brown Corporation, stationné à l’ouest du bâtiment du CNR. Guy continue de me fournir de précieuses et délicieuses anecdotes sur ces quelques mois passés en Haute-Mauricie. Il a mis un embargo sur certaines. Celles qu’il m’a racontées sur les déboires (mâtin, quel beau terme, dans le contexte actuel) ferroviaires des bootleggers officiels du village sont tout à fait suaves.
* * *
NOTES

[1] Ce bâtiment en rondins, appelé «Club social», fut érigé tout près de la partie sud de la patinoire et servait de vestiaire pour les hockeyeurs. Il fut construit vers 1952 par les résidants de la place. Je me souviens d’avoir, avec mon frère Robert, participé à l’écorçage des billes de bois. Le samedi soir, c’était une salle de danse où se rencontraient des gens de La Loutre et de Windigo ou des camps autour. On faisait de même à La Loutre. Jerry McCarthy a glissé quelques photos de ces réunions sociales dans son journal. Photo fournie par Paul Tremblay.

Une équipe des Bas : Saint-Stanislas, «visitée» par les vaillants
hockeyeurs de Sanmaur, ce 30 janvier 1949.
Archives de Patrick Renaud.Patrick Renaud, cinquième à gauche de l'arbitre, Albert Boily.
De la droite: John Lacasse, Roland Dubé, Jos Tardif et
Paul Bouchard, troisième derrière celui-ci.
Archives de Patrick Renaud.

[2]
Sanmaur, ses alcools et ses p'tits boires du même acabit !

Alarie était un sous-inspecteur de la Police des liqueurs, une ancienne unité de la Sûreté du Québec, qu’on appelait alors la «PP», la Police provinciale. La vente d’alcool était interdite à Sanmaur, comme dans tous les dépôts et chantiers forestiers de la Brown, d’autant plus que la réserve amérindienne de Wemotaci se trouvait de l’autre côté de la Saint-Maurice. Posté à Sanmaur, il devait donc voir à ce qu’aucun alcool n’y circulât, sauf le vin de messe oblat, of course ! Pour accomplir sa «mission», il examinait en premier lieu les marchandises arrivant à Sanmaur par le train de passagers pour y intercepter les paquets suspects.
Mon père, chargé, à titre d’acheteur, d’assurer une certaine constance dans les réserves de provisions liquides nécessaires au bon travail des patrons en visite d’inspection dans les Hauts, recevait sa cargaison hebdomadaire de bouteilles, soigneusement emballées et réparties dans des caisses innocemment étiquetées « Spare Parts ». Jamais, le pas très fin limier de la PP (il prendra un pruneau au ventre, à Grande-Anse, quelques années plus tard, en se présentant béatement à la résidence d’un couple qui se chamaillait – ne s’est douté du vlimeux stratagème… Pas plus qu’il n’avait repéré le manège du préposé aux bagages du train qui déposait, sur le côté sud de la voie, les sacs à dos paquetés de bouteilles destinées à H*** et à sa fille G***, les bootleggers officiels des environs. Quand les circonstances ne s’y prêtaient pas, le convoi du CN faisait une courte halte additionnelle, un ou deux kilomètres à l’ouest de la gare pour y déposer la manne alcoolisée. Je tiens ces précisions de bonnes sources.

À ces historiettes reliées aux activités des bootleggers de la région de Sanmaur s’ajoutent celles que m’a contées Guy Beaudoin. C’est d’ailleurs en écoutant celui-ci me narrer une anecdote sur cet industrieux personnage que fut Gaston Pothier, que j’ai compris à quel usage servaient les bouteilles de lotion à cheveux Vitalis que recevait par caisse Burt McGraw, l’un des cols blancs de la Brown.

Voici. Un matin, un type se pointe au restaurant de Pothier et se présente comme le président de la compagnie qui fabrique une lotion capillaire pour homme, Tulipe Noire, et veut savoir comment il se fait que le meilleur client de sa bizenesse soit un type de Sanmaur, un trou perdu dans les bois. Personne, au pays, précise-t-il, n’achète autant de bouteilles de ce produit. Il est curieux de savoir où elles vont. C’est simple, lui répond le restaurateur, les hommes les boivent !
L’été, pendant ses études d’ingénieur, Guy parcourait les routes forestières, d’un camp ou d’un dépôt à l‘autre, y installant des lignes électriques et téléphoniques. Il se déplaçait en jeep. Un jour, dans un camp, il surprit un type à fouiller dans son véhicule : celui-ci lui montra un compartiment contenant des bouteilles d’alcool. C’était H*** qui l’avait «patenté». Il y plaçait ses flacons, puis passait un coup de fil à son client. Livraison gratuite. Enfin, pendant un certain temps, car le bootlegger offrit une commission au chauffeur peu enclin à participer à son petit commerce éthéré.

Vitalis et Tulipe noire : les hommes ne s’en servaient donc pas pour se badigeonner le scalp et lui donner de l’éclat, comme le faisaient les Amérindiens avec de la graisse d’ours !

[3]
La première maison du surintendant
Photo aimablement fournie par Paul Tremblay.

Il s’agit en effet de la fameuse maison où Jerry McCarthy passera sa première nuit en Haute-Mauricie, le 5 mars 1919, invité d’Oscar Roy, le surintendant du dépôt à l’époque. À l'été 1921, Roy y hébergera l’écrivain états-unien T. Morris Longstreth et ses deux compagnes de voyages, dont je reparlerai en abordant les hauts faits du capitaine Rowell.

La butte, la coukerie-pension et le staff house, vers la fin des années 1930.
Photo tirée des archives de Paul Tremblay.
En direction de l’ouest: la gare, l'office, la première école, vers 1947,
du moins avant la construction des duplex. Archives de Patrick Renaud.
Vers 1948. Les duplex, mais sans le cinq logis. Archives de Patrick Renaud.
Le store, le long de le voie du CNR, en direction de l'est,
pris du haut de la butte. Archives de Paul Tremblay.

La maison une fois déménagée, logis des Brown et des
Théberge.
À gauche, le duplex, habitat des Ross.
Photo aimablement fournie par Paul Tremblay.

[4]
Jusqu’en 1951, c’était un monsieur Thiffeault. Je me rappelle que ma mère parlait d’Urgel, mais il est plus plausible qu’il ait été prénommé Ludger. On a donné son nom à un lac des environs de La Tuque. Sur cette page [ http://www.genealogie.org/famille/tifault/fra_THIF.doc], on indique l’année 1869 comme sa date de naissance. Surprenant, il aurait travaillé jusqu’à l’âge de 82 ans… Paul Tremblay m’a signalé qu’il y avait aussi un nommé Lorenzo Bélanger qui aurait rempli cette tâche.

Thiffeault, Lac
Mun. : La Tuque, V; MRC : La Tuque; Rég. adm. : Mauricie
Coord. : 47° 48' 30" 73° 23' 34"; Feuillet : 31P/14
Depuis 2003, ce nom rappelle, à la demande de l'Association des Tifault d'Amérique, Ludger Thiffeault (1869-1951). Vers 1900, les entreprises liées à l'industrie forestière étaient florissantes en Haute-Mauricie. Ludger Thiffeault devint « homme de cour » pour la Brown Corporation à Windigo : il s'occupait des marchandises qui arrivaient par train, et il entretenait les bâtisses et alimentait les fournaises. La compagnie avait établi ses quartiers près de la voie ferrée. Dans ses moments de loisirs, Ludger Thiffeault s'adonnait à la pêche et à la chasse. Il aménagea des jardins autour des demeures des patrons de la Brown Corporation. Ces aménagements longeaient la rivière Saint-Maurice et s'échelonnaient en pente entre les résidences et le cours d'eau. Les gens qui apercevaient ces jardins de fleurs en pleine forêt pour la première fois exprimaient souvent ainsi leur surprise : « C'est une oasis dans le désert ! ». Lors de la vente de la compagnie à l'International Paper et du déménagement à Sanmaur, plus à l'ouest, en 1948, il y poursuivit ses fonctions.

Trois maisons de la Brown Corporation, à Windigo, vers 1945.
J'ai l'impression que les jardins, à l'avant-plan, étaient
l'oeuvre de Ludger Thiffeault.

[5]
L’intérieur du retail (qu’on prononçait «ritthéle») : Louis Lacasse et sa mère
passent leur commande à Armand Rheault; au fond, Patrick Renaud.
Archives de Suzanne Renaud.

[6] Expédiée par la poste près de 30 ans après son impression, la carte porte le cachet postal de Sanmaur : 1978 !
Épilogue

Guy Hamel a commandé à son frère Pierre, de North Bay, ce fusain, où s’associent passé et présent : la gare du CN et l’autobus de la Brown, en 1948, et une locomotive moderne de Via Rail. Belle césure typographique virtuelle. Merci et cordiales salutations, les Hamel Brothers !

Fusain original de Pierre Hamel, 2009.
* * *

samedi 7 mars 2009

WINDIGO P.Q.


WINDIGO, P. Q.,
CAPITALE DÉFUNTE DU COMTÉ DE LAVIOLETTE
?
[40]

L’AMI, première livraison, décembre 1946.

Ultra rapides, mes contacts latuquois : dès la réception de la troisième livraison de L’AMI, ce trimestriel de création récente, publié par l’Imprimerie commerciale, vénérable institution latuquoise qui a dépassé le cap des 60 ans d’existence, à l’initiative du proprio d’icelle, le sieur Philip Valois, qui a agrippé les rênes de l’entreprise familiale de ses parents, Roland Valois et Constance Forrest, et de dame Carolyne Nadeau, la rédactrice en chef, ils se sont empressés de m’envoyer, par courriel, des scans des deux pages centrales où était reproduit en fac-similé le premier numéro d’un petit feuillet, lui aussi intitulé L’AMI, et rédigé, peut-on s’imaginer, à Windigo, alors le dépôt principal de la Brown Corporation sur la Saint-Maurice.
L’AMI, petite feuille éditée à Windigo en 1946. Recto.
Philip m’a raconté que sa mère, Constance Forrest –

dont le nom apparaît deux fois dans cette livraison
initiale – se souvient très bien du moment où on l’a imprimé.

Cet AMI, aux 62 ans bien sonnés, est un petit trésor historique. À ma connaissance, sauf quelques échos épars, répandus surtout dans les carnets sociaux de périodiques anglophones de la vallée mauricienne, on n’a guère rendu compte de la vie quotidienne des gens habitant dans ces petits hameaux parsemés ici et là en Haute-Mauricie et dans la partie australe de l’Abbittibbi au hasard des opérations de coupes de la Brown, de la C.I.P. ou de la Consol. Il y bien, dans certains récits autobiographiques [1] au tirage plutôt discret et restreint, quelques témoignages bien personnels sur la vie dans ces zones isolées, mais ils se comptent sur les doigts d’une seule main.

Les rédacteurs, aux ambitions pachydermique et aux propos philosophiques, se donnaient comme tâche de faire de leur publication l’organe du vaste comté de Laviolette et de fournir, aux gens de La Tuque, entre autres matières, «un état complet et impartial de tous les événements locaux et différents projets» de la ville. «Nous sentons», poursuit l’éditorialiste J. L (John Lacasse ?) que le public de La Tuque n‘a pas cet avantage et ne l’a jamais eu dans le passé.» Ces visées sont également exprimées par son collègue anglophone, autre timide qui ne donne que ses initiales : B.U.L.

L’événement, car c’en est un (voyez la définition de ce terme, galvaudé par les média) que constitue cette découverte, s’est produit en même temps que le lancement de LatuKoiseries, le carnet que signe l’historien en titre de La Tuque, le vénérable Hervé Tremblay. Le précieux document windiguien vient ajouter de la substantielle moelle à mon carnet, mais il m’a surtout permis de reprendre contact avec Philip, après un demi-siècle, lequel m’a aimablement permis d’en reproduire le contenu.
D’ailleurs Hervé trouvera un sujet en or pour l’une de ses prochaines chroniques : un commentaire sur la galerie de personnages latuquois caricaturés dans L’Ami. Le dessinateur, au talent certain, a en effet superbement réussi à saisir ces gens. J’aurais reconnu, sans légende aucune, Oscar Fontaine, le propriétaire du cinéma Empire, et Frank Spain, premier grand marchand général de la place.

Ce qui m’a forcément intéressé, ce sont les entrefilets sur Sanmaur et Windigo : deux prénoms, en particulier m’ont rappelé des souvenirs et je suis en mesure d’identifier trois types dont le nom y est mentionné et fournir le faciès de deux d’entre eux.

En fouillant dans les archives photographiques que m’a léguées ma mère, j’ai mis la patte sur deux clichés, jaunies par l’âge, sur lesquels apparaissent deux des quidams nommés dans les «Racontars de Sanmaur» : Frank Rivest et Bert McGraw, des collègues de travail de mon père à l’époque, et aux dires de Maizy, de mauvaises fréquentations du fait qu’ils étaient des célibataires. Quant à ce Sarto, que l’on dit riche, c’est Bundock, le préposé à la centrale téléphonique du bled, qui souffrait d’un handicap à une jambe. Ma mère n’avait donc pas du tout en odeur de sainteté ces joyeux célibataires au coude diantrement bien lubrifié, qui avaient le don d’entraîner (c’était son terme) mon père dans leurs activités peu orthodoxes, rarement, paraîtrait-il, la pêche ou la chasse où alors ces pratiques «sportives» devenaient-elles des prétextes à des réunions festives. La lecture du prochain épisode de mon carnet devrait fournir une explication scientifique à la popularité de cette lotion capillaire Vitalis.

Sur cette photo de 1950, prise à Sanmaur, en face de la coukerie,
de gauche à droite : un inconnu, Bert McGraw, autre inconnu,
Émile Cantin et Louis Lemieux. À l’arrière, l’increvable familiale Plymouth aux couleurs de la Brown. Celle-ci achetait surtout des véhicules fabriqués par Chrysler,
dont des camions Fargo.
Archives de Pierre Cantin.

Autre photo datant de la même époque, quelque part dans les environs de Sanmaur. Louis Lemieux est à gauche, Frank Rivet, au centre,
et Burt McGraw, à droite. Archives de Pierre Cantin.

Voici une photo qui date tout probablement de 1949 et regroupe
la crème des hockeyeurs de Sanmaur

Je n’avais pu identifier que quatre de ces Browniens sur cette photo que m'avait envoyée ma cousine Suzanne Renaud. Voilà que la mémoire vive de Sanmaur, Paul Tremblay, vient une nouvelle fois à ma rescousse et me donne cette liste : John Lacasse, l’entraîneur; Roland Dubé, gardien; Paul Bouchard, capitaine, défenseur; Wilbrod Tremblay, (d), père de Paul; Jean-Paul Laflamme (d); Roland Leclerc, ailier droit; Patrick Renaud, centre; Jean-Marc Bergeron; (c); Frank Langlois, ailier gauche; Claude Audet, (a.g.); Jos Tardif, (a.d.); Albert Boily, arbitre. Paul, qui a cette photo, me précise qu'elle a été prise le 16 mars 1949, à Montauban-les-Mines (Saint-Alban, devenu Notre-Dame-de-Montauban), dans les Hauts du comté de Portneuf, près de Lac-aux-Sables et d'Hervey-Jonction. Sanmaur avait emporté le match 8 à 4 contre l'équipe locale, les Anacon Miners.



** ** **
Je commenterai longuement, dans ma prochaine page, la magnifique photo frontispice de mon carnet, oeuvre d'un professionnel, image impérissable du patelin.

AJOUTS – ANNEXES – APARTÉS
COMMANDITES AMICALES
PATRONAGE POSITIF
À BUT NON LUCRATIF

A

Les parents de Philippe, Roland Valois et Constance Forrest, étaient des amis de mes parents. Ici, madame Valois pose en compagnie de ses fils, Philip et Paul, au relais 4H, situé à l’époque à une vingtaine de kilomètres au sud, sur la route 19, maintenant la 155. Nous n’avions pas de voiture et madame Valois nous y emmenait en pique-nique, le dimanche après-midi.

Un beau jour, préoccupée par la possibilité que ses archives photographiques ne puissent être interprétées correctement, ma mère avait entrepris d'identifier les gens qui y figuraient. Sa griffe, dans l'encadré, rappelle ce souci.
Photo : Maizy Lee Cantin.

B

C’est d’André Nadeau, le grand-père de Carolyne, que ma mère acheta, en août 1970, l’unique auto qu’elle ait jamais possédée : une Ford Maverick Grabber, photographiée ici sous le pont de La Bostonnais. J’aurais dû vendre ce cliché, réalisé au pont Ducharme, à la Bostonnais, en août 1970, au service de publicité de Ford !
Sources. Annonce Nadeau : pages jaunes de l'Annuaire de Télébec, décembre 1970; photo : Pierre Cantin.

C

DEUX CARNETS ESSENTIELS AUX FÉRUS D’HISTOIRE LATUQUOISE

Du bon usage de la typographie virtuelle

Il faut compter, parmi ses lectures mauriciennes, la fréquentation intensive de deux carnets, qu’éditent Micheline Raîche-Roy, sur le curé fondateur de La Tuque, Eugène Corbeil, et Hervé Tremblay, sur la ville et ses gens.

La Tuque, automne 2004. Micheline Raîche-Roy et Hervé Tremblay
posent dans un décor historique, celui de pont suspendu,
l’un
des premiers du genre au Canada.
Photo : Monique Raîche.
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http://lbiographieeugenecorbeil.blogspot.com/


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[1] J’ai déjà fait référence à l’ouvrage The Laurentians, de Morris Longstreth, dont l'épilogue est consacré, entre autres passages, à La Tuque, à Sanmaur et à La Loutre. Il y a sur Clova – mais c’est déjà l’Abbittibbi, paraît-il – un petit livre bigrement intéressant, écrit par Emelie Hubert, qui y a habité et où elle a travaillé un moment avec Paul Léon Rivard, ce médecin bien connu, lui-même objet d’une biographie, oeuvre de Bill Trent, et d’un film de l’ONF (http://www3.onf.ca/collection/films/fiche/index.php?id=2830). Près de la moitié de l'essai de madame Hubert est consacré aux années passées à La Tuque. Son mari était cadre à la division forestière de la C.I.P. C’est un ouvrage que m’a signalé Gaston Gravel et que j’ai pu obtenir de la fille de l’auteure.
Au hasard de recherches dans les banques de données des grandes bibliothèques nationales, j’ai déniché deux ouvrages d’une institutrice, Annette Billette, qui enseigna à Manouane et à Sanmaur, au début des années 1950, en compagnie de son mari, Guy Rivet (Rivest ?), le frère de Frank, dont il est question plus haut. Malheureusement, elle ne s’étend guère sur son passage à Sanmaur. S’ajoutent à ces essais, la fiction romanesque de deux récits de Normande Élie, où l’on peut quand même identifier quelques personnages sanmauresques. Tout cela, c’est du matériel à carnet. Je l’exploiterai, bien sûr.


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