lundi 17 août 2009


MIDLIGE & RICKARD
MARCHANDS GÉNÉRAUX

MANOUANE

« John Johnstone Rickard,
merchant, of Manouan Crossing… »


[50]

Déjà 50 pages à mon carnet !

Pour cette cinquantième page de mon carnet, je demeure dans les parages de l’embouchure de la rivière Manouane, à la hauteur de Sanmaur, et, grâce à de pertinentes et intéressantes données que me procure, une fois de plus, Paul Tremblay, je puis livrer ici quelques bribes d’histoire sur cet édifice mentionné à quelques reprises dans mes pages, un bâtiment érigé par John J. Rickard et son épouse, Eva Midlige, fille de l’aventureuse femme d’affaires Annie Midlige sans doute dès que la voie ferrée du Transcontinental eut atteint cet endroit déjà très fréquenté.

Le magasin de Manouane, vers 1940, propriété, à l’origine de John Rickard et d’Annie Midlige. À part une affiche, à droite, sur laquelle on peut lire : «PLAYERS – CIGARETTES», rien n’indique vraiment qu’il s’agit là d’un magasin général.
À l’avant-plan, on distingue nettement la voie ferrée du Canadien National.
Cette magnifique vue fait partie d’une photo panoramique que possède Paul Tremblay.


Il semble bien que Rickard ait été en affaires à Manouane, au moins une année avant la signature du contrat qui le liait à sa belle-mère, passé le 3 avril 1912. En effet, dans les registres de l’église anglicane St. Andrews de La Tuque, pour l’année 1911, le pasteur anglican, William L. Archer, prêtre missionnaire, a pris soin d’indiquer Manawan Crossing comme lieu de résidence du marchand , lui donnant ainsi une reconnaissance toponymique quasi officielle.



Extraits des registres de la paroisse anglicane St. Andrews, à La Tuque.
Documents aimablement fournis par Gail Aubé.

Le premier extrait signale le baptême d’Edna Margaret Rickard, fille de John Johnstone Rickard et d’Eva Midlige, le 20 août 1911. L’enfant était née le 15 juillet. L’heureux événement est cependant assombri, le 20 novembre suivant, par le décès d’un autre de leurs enfants, Evelyn Winifred, âgée à peine de 23 mois.

William Midlige, l’aîné de la famille, avait fait la manchette de quelques journaux américains en 1910, en racontant l’anecdote d’un médecin qui avait pris des loups pour des chiens.
Maxime Comtois évoque un épisode semblable dans ses mémoires (1).


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L’édifice de la société MIDLIDGE & RICKARD a changé de mains à cinq reprises, avant d’être démoli, comme en témoigne cet extrait du l’«index des immeubles» pour le canton de Dessane, que m’a remis Paul Tremblay.

Extraits fournis par Paul Tremblay.

Les lots avoisinant la propriété initiale de Rickard. Le lot 09, à ma connaissance, est toujours la propriété d’Yvon Pelletier, un résidant de La Tuque que j’ai rencontré à Sanmaur, en novembre 2007.
C’est le 17 mai 1927 que Rickard vend son entreprise à une société concurrente, la Hudson Bay Company, qui la revend à Freddy Houle, le 12 mars 1945. Ce dernier la conserve jusqu’au 17 août 1955, quand il la cède à Adrien Arseneault, lequel semble avoir transformé les lieux en un atelier de réparations mécaniques si l’on en juge par cette photo du milieu des années 1970.

L’étalage de carcasses de voitures et de camionnettes du mécano
Arsenault a plutôt gâté le paysage de Manouane.
Photo : Paul Tremblay.

Jeanne d’Arc Vignola achète la propriété le 27 août 2001. Elle est sûrement la dernière «proprietress», comme on dit communément en Irlande, où on a l’anglais assez près du français. Ainsi on y rencontre des panneaux résolument unilingue qui n’affichent pas DEAD END, mais CUL DE SAC, expression que l’on prononce «colle de sac». Ceux et celles à qui j'ai donné la traduction littérale de CUL en anglais, ont bien rigolé. Par ailleurs, dans certains patelins, le boucher s’affiche comme étant un VICTUALER.

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Un avis du Ciennâre : en novembre 1947, avant l’ère timidement francophile du CN !

Des Midlige descendent en ville

En 1947, la page latuquoise de l’hebdomadaire The Shawinigan Standard consacre quelques paragraphes à des membres de la famille Midlige qui, voyageant sans doute à bord du «mixte» du Canadien National, ont séjourné à La Tuque .

Ainsi, le 14 mai, l’hebdo signale un court séjour en ville des demoiselles Edna et Eva Midlige, d’Oskelano River (Oskélanéo), et de William Midlige, accompagné de John Midlige et J. J. Richard [Rickard], leur beau-frère, de Parent. Quant aux Hilliker, de Parent, il s'agit sans nul doute des Hillier, des commerçants qui ont aussi une mercerie à La Tuque.
En décembre, un entrefilet nous renseigne sur Edna «Midge» Midlige, qui suit un cours d’infirmière au Jeffrey Hale Hospital, à Québec.


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Dans les années 1970, un virulent feu de forêt a fait des ravages dans les environs de l’embouchure de la Manouane, laissant intactes, les bagnoles du garagiste Arseneault.

Photos de Paul Tremblay, aimablement fournies par leur auteur.

Un oubli de taille

J’avais pensé inclure, dans ma galerie de grottes mariales, ce monument, photographié en mars 1960, une «marque» de mon adolescence trifluvienne.

Photo : Pierre Cantin, Trois-Rivières.

Cette grotte avait été érigée dans ce que l’on appelait alors le «coin des finissants», partie sud-ouest de l’immense cour de récréation du Séminaire Saint-Joseph, le STR, ceinturée par les rues Laviolette, Saint-Maurice et Saint-François-Xavier. Je me demande si elle est encore là.

Elle a une certaine ressemblance avec celle de Sanmaur. Quatre élèves de Philosophie II, classe terminale du défunt cours classique, Charles [?] Laganière, Martin Fiset, Joachim Leblanc et Robert Rivard (non, je n’ai pas de mémoire: j’avais sinmplement inscrit leur nom au verso du cliché…), s’adonnent à la seule activité possible en hiver ,à l’époque, dans ce lieu d’enfermement, quand on n’aimait pas le hockey ou si on n’était pas doué pour sa pratique : la marche…

P. S. Suite à la publication de ma litanie de grottes, un ami m’a demandé, sourire en coin, si je n’avais été victime d’une poussée de fièvre papiste. Je l’ai rassuré sur mon état mental : c’est que, tout simplement, les irlandaises de pierre et de béton m’avaient rappelé la sanmauresque et la trifluvienne. Simples éléments déclencheurs de souvenirs…


[1] Geneviève Gélinas, petite-fille du médecin, a eu l’amabilité de donner l’adresse de mon carnet sanmauresque, sur la page d’accueil du nouveau site qui héberge les «Mémoires du Dr Max Comtois». Je l’en remercie.
http://drcomtois.situs.qc.ca/

jeudi 6 août 2009


Manawan Crossing
Les trois enjambements de la Manouane, à la hauteur de Sanmaur
au beau milieu du XXe siècle.

[49]
III. Le chaland de la Brown

Les beaux dimanches à la Manouane, Farouest de Sanmaur

Du temps de mon enfance à Sanmaur, voguait, à quelques mètres à peine en aval du «pont des chars», hautement juché sur la Manouane, ouvrage costaud destiné au passage des convois ferroviaires et à de rares piétons, et parallèlement au pont flottant, cette longue plate-forme de madriers que je n’aurais jamais osé emprunter à pied, accroché à un câble, un traversier, espèce de barge en acier.

On utilisait le mot chaland pour désigner ce bateau passeur chargé de véhiculer, sur la rive gauche de la Manouane, les camions et les autobus se dirigeant au nord, vers Chaudière, puis La Loutre. Et peut-être, sauf erreur de ma part, vers Windigo, en traversant la Saint-Maurice sur un deuxième chaland, au 22 Milles, ou sur l’impressionnant pont à chevalets (communément appelé «tresseul» graphie francisée approximative de l’anglais trestle) posé au-dessus des chutes de Chaudière, autre dépôt de la Brown situé à une cinquantaine de kilomètres en amont de Sanmaur (voir l’épisode du 4 décembre 2007).

Au milieu de la Manouane, le chaland se dirige vers la rive gauche
(ouest) de la Manouane.
Photo de 1975, environ, aimablement prêtée par Paul Tremblay.

Guy Beaudoin, mon expert et conseiller en matière de techniques diverses, m’a expliqué le fonctionnement de ce type de chaland mis en service, croit-il vers 1949 ou 1950. L’embarcation était munie d’un gros moteur d’automobile, un Ford ou un Chrysler, arrimé dans la cale, assez profonde pour qu’on s’y tienne debout. Le moteur faisait fonctionner un treuil réversible qui tirait un solide câble d’acier dont les extrémités étaient fixées sur les eux rives. Un deuxième câble, dit «de garde», sensible à la variation du niveau de l’eau, guidait en quelque sorte le chaland vers sa destination.
* * * * *
Je ne sais pas si c’était un rituel dominical, mais si j’en juge par le nombre de photos que m’a léguées Maizy et qui montrent des membres de ma famille posant sur ce chaland, accosté sur la rive droite de la Manouane, à quelques mètres du premier magasin général d’Annie Midlige et de son associé John Rickard , modeste édifice [1] bâti presque en face de la courbe raide de la route qui menait au barrage C., aujourd’hui tronçon de la route forestière 10 menant vers le sud-est, vers La Tuque, mais il fut l’objet de fréquentes visites de la part de mes géniteurs.

Une espèce de pèlerinage, donc, qui consistait à parcourir un petit peu plus d’un kilomètre à pied, sur le chemin de gravier qui partait du centre « résidentiel » des installations de la Brown, à l’est, pour traverser, dans son entier, le secteur Manouane, et aboutir à la rivière du même nom. Ni mon frère Robert, ni moi, nous souvenons d’avoir «posé» pour l’objectif de Maizy sur ce chaland en ces occasions. Sans doute étions-nous retenus devant le cinq logis, à jouer avec les Beaupré, les Ross, les Doré [2]
Émile Cantin, mon père, et Jean, le plus jeune de mes frères,
probablement en 1953.
Photo : Maizy Lee Cantin.

C’est sans doute sur ce traversier, que mon jeune frère Jean, né en juin 1949, a dû avoir la piqûre de la pêche [3]. Débuts plus que modestes; équipement bien rudimentaire. Scène surprenante, en tout cas, où mon père Émile, d’ordinaire très peu porté à accomplir une tâche qui eût impliqué l’utilisation d’un outil ou la manipulation d’un objet autre qu’une machine à écrire ou un crayon – ma mère nous disait qu’il aurait été dangereux de le lasser manipuler un simple tournevis – prépare une ligne à pêche.
Jean Cantin, dos à l’estuaire de la Manouane. Vers 1953.
Photo : Maizy Lee Cantin.


Émile Cantin, Manouane, 1953. On notera, à gauche, une caisse de beurre, en bois : en milieu perdu comme Sanmaur, on recyclait tout ce que l’on pouvait...
Photo : Maizy Lee Cantin.


Maizy devant «son» objectif

Quatre «poses» de ma mère, Maizy Lee.
Les photos sont sûrement de son légitime, Émile Cantin.




[1] En vérifiant dans mes dictionnaires la définition du mot chaland, je découvre que le terme s’applique aussi aux acheteurs et acheteuses qui vont de préférence chez un même marchand.

Un chaland déjà en fonction, en 1930, à Windigo, alors le principal dépôt de la Brown Corporation. Un câble (aérien d’après la photo), accroché entre les deux rives, sert à guider sa trajectoire et l’embarcation, à gauche,
devait sans doute le pousser.
The Brown Bulletin, avril 1930; archives d’Hervé Tremblay.

Un autre type de chaland, plus près de la péniche. Il me semble qu’il se soit trouvé à Chaudière, ou dans les alentours. La photo provient des archives de ma mère et date possiblement de 1947 ou 1948.

[2] Voici deux tableaux illustrant les activités de ces années d’insouciance sanmauresque. Il faut dire que les deux superbes Ford à pédales, bleu ciel, que notre oncle Donald Lee nous avait rapportées de Québec exerçaient un certain magnétisme sur nos petits voisins. Nous n’allions toutefois pas très loin, car les voies carrossables du coin étaient passablement molles. Pas terribles pour la pédale, même fordienne.

Sur ces photos, Michel et Denise Ross, qui habitaient en face du cinq logis et une certaine demoiselle Wheeland (aux dires de Jean-Pierre Ricard, dont la mémoire est meilleure que la mienne), en compagnie de mon frère Robert, en salopette et épaules dénudées : on ne craignant nullement les effets néfastes des rayons solaires. À gauche, on aperçoit des fenêtres donnant sur le logis des Beaupré.

Sanmaur, été 1949. Photos : Maizy Lee.

[3] Je me rappelle que, certains après-midis, au début des années 1960, Jean s’éclipsait, sur sa bicyclette déjà trop grosse pour lui (un cadeau de Léopold Lacasse, l’ancien curé de Sanmaur), pour aller pêcher la barbote dans les flaques d’eau, près de la gare de triage de Fitzpatrick, une randonnée pas mal longue pour un flow de son âge… Plus tard, une fois que la famille aura aménagé dans la petite maison de la war time louée d’une dame Marceau, il empruntera ma véloce Vespa en cachette, mais pas toujours pour aller pêcher ! Et puis il fera le grand saut, achetant, à l'insu d'Émile et de Maizy, une grosse bécane de mon ami Roger Berman.

Jean Cantin, devant le 737 de la rue Kitchener, La Tuque, mai 1957.
Photo : Pierre Cantin.


Jean Cantin et Maizy Lee, sur le tarmac du 728 de la rue Castelneau,
probablement à l’été 1965. Photo : Pierre Cantin.

Jean Cantin et sa BSA : le terrible clan des Gaulois l'attendait ! À l'arrière-plan, la Coccinelle de Jacques Tremblay.
Photo : Pierre Cantin, sur ce même tarmac, sans dote en 1967. .
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Ajout à l’épisode 46

Cette carte postale pose une énigme que pourraient probablement résoudre les historiens du rail. Quelqu’un y a tapé : « 2nd Crossing St. Maurice River. Steel erected to date 25-12-10. N.T.R. 1 Fitzpatrick 61.4 ». Où se situait cette deuxième traversée de la Saint-Maurice ? En décembre 1910, la voie ferrée semble avoir atteint Sanmaur : serait-ce alors le pont de Weymont, érigé à la périphérie est du village, et qui a longtemps servi de passerelle aux Amérindiens de Wemotaci ?


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Je serais curieux de savoir où ces Britanniques polissons ont pu pêcher le nom de leur cottage.