vendredi 23 octobre 2009

Sanmaur : mission, desserte et paroisse

III Son second curé, Léopold Lacasse :

O. M. I. ou bedon M. B. A. ?

(Première partie)


Léopold Lacasse, La Tuque, janvier 1954.

Léopold Lacasse est né à une époque où chaque famille était en général pourvue d’une progéniture la plus vaste possible. Inévitable résultat du respect inconditionnel, par les géniteurs, de la prescription de la débridée Romaine, phare moral tout azimut, qui interdisait de «l’empêcher», cette famille. Chaque fabrique familiale travaillait alors à fournir sa soutane, histoire d’assurer la continuité des assises papistes sur sa destinée et celle du troupeau, bref, une robe majoritairement noire (il y avait en effet certains bataillons de cette Église militante qui s’ensoutanaient de blanc pour affronter, entre autres menaces , les rigueurs climatiques africaines, et qui constituaient à eux seuls, comme l’écrivait l’Admirable Docteur [1], une formidable denrée exportable, décidée à répandre, dans les pires conditions, les bienfaits de la civilisation catho-franco-canadienne d’un pôle à l’autre de notre modeste planète, ramassis de militantistes intempestifs, véritable industrie objet de fierté de notre appartenance à la seule vraie religion en ce bas-monde. Une soutane, donc, comme police d’assurance garantissant à chacun des bipèdes de la smala donneuse l’installation perpétuelle dans une suite céleste du Paradiso Hôtel statosphérique.

Deux robes noires chez les Lacasse

Lacasse pose devant ce qui était sans doute le magasin général Thériault, situé tout près de l’église, face au restaurant de Gaston Pothier. À noter la prédominance des annonces de cigarettes !

Papa et maman Lacasse, quant à eux, n’avaient pas pris de chance et en avait fourni deux, les deux robes bien noires, oblates [2] de surcroit. Ainsi, Léopold allait-il faire dans les affaires du monde paraecclésiastique malgré son pieux habit, cependant que son frère Carmel (prénom prédestiné) irait brandir le crucifix d’Eugène de Mazenod en patinant entre les iglous de la vastitude glacée nordique pour en rapporter des récits fort édifiants sur la victoire du vraie manitou sur les vulgaires dieux de ses païens d’habitants.

Léopold Lacasse avait ce qu’on appelle communément de «la classe», mieux encore, un «vernis éclatant» ! Il aurait fait un lobbyiste terriblement efficace : il l’a prouvé à Sanmaur, puis à Sept-Îles, en 1958, quand il a réuni, en un temps record, les milliers de dollars nécessaires à la construction d’une imposante église [3].

C’était un être sociable, qui aimait la compagnie des gens. Il a fréquenté mes parents, Émile Cantin et Maizy Lee, à Sanmaur, entretenant avec eux des relations que je qualifierais d’étroites, si j’en juge par leurs rencontres, à Sanmaur (visites au presbytère : le seul souvenir que j'en garde c'est l'abondance de bonnes choses dans le frigo... [4]), puis à la Tuque, leurs voyages et les quelques centaines de photos qu’il leur a laissées.

Des Lee et des Cantin en visite au presbytère de Sanmaur. 1953

Maizy Lee et Émile Cantin dans le bureau du pasteur sanmauresque.

Photo : Léopold Lacasse

Jean Cantin à l’étage du presbytère. Photo : Léopold Lacasse.

Jean Cantin et sa tante, Juanita Lee. Photos : Léopold Lacasse.

Un dimanche après-midi, à Wemotaci

La smala Lee-Cantin traverse la Saint-Maurice. Septembre 1953.

Robert Cantin et Maizy Lee.

Photo s: Léopold Lacasse.

Pierre Cantin, Maizy Lee Cantin, Léopold Lacasse et deux Amérindiens. Je porte, en bandoulière, l'appareil-photo de ma mère que j'utiliserai lors de la route scoute en Mattavinie et en Haute-Mauricie, en août 1960.

Ma mère se prenait-elle pour Buffy Sainte Marie ?

Photos : Léopold Lacasse

Tom Basile, son épouse et son fils.

Photos : Maizy Lee Cantin

Cette photo me rappelle celles qui furent prises, 40 ans plus tôt, au même endroit, lors de la visite d'un groupe d'ecclésiastiques, excursion organisée par le curé de La Tuque, Eugène Corbeil, et celui de Sainte-Thècle, Maxime Masson.

Photos : Léopold Lacasse

Mon père a été muté à La Tuque dans le courant de l’été 1953. À ma connaissance, le personnel de l’entrepôt, dont faisait aussi partie Étienne Hamelin et peut-être Léonel Tousignant, fut le premier à quitter Sanmaur, quand la Canadian International Paper, s’est portée acquéreuse de l’usine de La Tuque et des concessions forestières de la Brown Corporation et décidé de fermer le dépôt principal de cette dernière et d’établir la Woodlands Division, dans une section des anciens locaux de l’Aluminium Canada, boulevard Ducharme.

Pierre et Robert Cantin, entrée ouest de l’église, septembre 1953.

Photo : Léopold Lacasse.

* * * *

Du temps où nous habitions à Sanmaur, ma mère nous amenait, mes frères et moi, passer l’été à Saint-Romuald d’Etchemin, sa ville natale, sur la rive sud du Saint-Laurent, en face de Québec. Nous avons ainsi passé de merveilleuses vacances chez des amis à elle, Honoré Cadoret et sa femme, que nous appelions tante Marie, mais dont le nom véritable était Germaine Dussault, qui habitaient l‘immense hôtel de ville de la place en compagnie de leurs nombreux enfants, qui furent pour nous de véritables cousins, ainsi que chez l’un de nos oncles, Donald Lee, avant que ma mère ne louât un chalet dans le Bôme, espèce de banlieue de Saint-Romuald, qui faisait partie de New Liverpool.

Maizy Lee, Jean et Émile Cantin, posant sur la grève, dans le Bôme, à Saint-Romuald-d'Etchemin, été 1953, peu avant leur départ pour une tournée de la Gaspésie en compagnie de Léopold Lacasse. Je croix que ces grosses péniches ont pu servir lors de la construction du pont de Québec, situé en dehors du champ de l'objectif, en haut, à gauche. Photo : Léopold Lacasse

Prochain épisode : les voyages des Lee-Cantin et de Léopold Lacasse.

* * *

[1] Jacques Ferron (1921-1985), Mauricien des Bas, médecin et Voltaire des lettres qubécoises.

[2] L’autre Lacasse, Carmel (1911-1991), qui eut la raquette plus nordique que celle de son frère, rapportera du Grand-Nord la matière d’un essai paru en 1951, aidé de la plume d’Eugène Nadeau, l’écrivain de service des forces évangélisatrices oblates : Terre d’attente, randonnée missionnaire au détroit d’Hudson (Montréal Fides, 224 pages). Son frère cadet Léopold décédera le 31 décembre 1978, au début de la soixantaine. Je crois qu’il avait été très sérieusement malade à deux reprises. La dernière fois que je l’ai vu, c’était au presbytère de la paroisse Sainte-Madeleine, à Cap-de-la-Madeleine, en 1968 ou en 1969. Les deux Lacasse avaient fait leur cours classique au collège de l’Assomption , Carmel, de 1922 à 1930; Léopold, de 1928 à 1936.

[3] Toute une cabane, ce temple de Sept-Îles : http://www.diocese-bc.org/eglise_patrimoine/7iles_marie_immaculee.htm

[4 ] Rare vestige trouvé par les acheteurs de l'ancien presbytère dans l'une des pièces de l'étage. Ils croyaient que le portrait de l'un des curés de la place. C'est le supérieur général des fantassins oblats canadiens en mission d'une mare à l'autre, Léo Deschâtelets (1899-1974).

Je soupçonne le tenancier du carnet LatuKoiseries, Hervé Tremblay, d’employer une partie de son fonds de retraite à la promotion d’un liquide houblonneux qui porte son propre patronyme en guise de marque de commerce. Pierre Cantin, Chelsea-sur-Gatineau, février 2009.

Photo : Debbie Joanisse

En effet, c’est avec étonnement que j’ai buté, l’hiver dernier, contre une montagne de caisses de Tremblay au Freshmart, appellation qui dénote bien le bilinguisme de l’épicerie de la route 105, à Chelsea-sur-Gatineau, patelin mi anglophone, mi francophone. Ce qui m’étonne davantage, c’est que les brasseurs de ce breuvage n’aient pas adopté le BLEU comme couleur dominante de leur produit…