vendredi 25 novembre 2011

2011 : Sanmaur fait de nouveau les manchettes…

... en plus d'être canonisé !


Une chronique, une vente immobilière et un fait divers

rappellent l’existence du village de mon enfance.

[59]




Et d’une…


« Diantre et juste ciel ! », voilà un autre journaliste du groupe CYBERPRESSE, en l’occurrence, Jean-Marc Beaudoin, qui verse quelque peu dans l’errance historique en écrivant, le 21 juillet dernier, que l’un des Prix Nobel de physique de 2009, Williard Boyle, avait résidé à Sanmaur, ce patelin mythique de la Haute-Mauricie, aujourd’hui un secteur de la Reine de la Mauricie méridionale, La Tuque.


Willard Sterling Boyle (19 août 1924 – 7 mai 2011). Source : Wikipédia (page consultée le 29 septembre 2011).


Voici la reproduction d’un extrait de la chronique parue dans le quotidien trifluvien Le Nouvelliste.


Cliquez sur l'illustration pour être en mesure de lire le texte.


La chronique m’a été refilée par un ami latuquois, Luc Labrecque [1], dont le paternel, Alfred, avait été, à la fin des années 1940, un entrepreneur (un djobbeur, disait-on, à l’époque) pour le compte de la Brown Corporation. Alfred avait justement installé sa petite famille au dépôt (base) Chaudière, en amont de Sanmaur.


Et c’est là, dans le minuscule patelin situé à l’époque au terrifiant et infranchissable rapide Chaudière, sur la Saint-Maurice, lieu de transit vers La Loutre, que le physicien a véritablement passé une bonne partie de son enfance et de son adolescence. En effet, son père, Ernest Boyle, y était le médecin de la papetière étatsunienne et sans doute soignait-il aussi les employés de la Canadian International Paper et ceux de la Consolidated. Sa pratique médicale l’obligeait à couvrir un immense territoire, depuis Windigo, au Sud, jusqu’à La Loutre (le barrage Gouin), au Nord, où il séjournait fréquemment, ainsi que d’autres installations de la Brown. Il devait sans doute aussi se rendre dans les dizaines de camps forestiers éparpillés sur ce grand territoire mauricien.


Les Boyle ont quitté la Haute-Mauricie en 1944, probablement le 30 septembre, car on leur organise une fête d’adieu à Sanmaur, où s’arrêtait le train du Canadien National, seul lien fiable avec La Tuque et le reste du Québec. C’est donc avant que la plupart des employés de soutien de la division forestière de la compagnie y soient mutés, depuis Windigo, au début de 1947, et que Sanmaur devienne le dépôt, LA base la plus importante de la Brown au nord de La Tuque, au coeur des immenses concessions forestières obtenues de Québec.


Lors du séjour de la famille Boyle dans ce coin de pays mauricien contrôlé en grande partie par cette compagnie, c'étaient Windigo, sur la ligne du Canadien National, et La Loutre – que l’on atteignait depuis Sanmaur, dernière gare ferroviaire sise sur la rive droite de la Saint-Maurice, au confluent de la Manouane, puis en se rendant à Chaudière, en remontant la rivière, pour y emprunter une voie ferrée qui s’était rapidement détériorée, construite par la Fraser-Brace, les maîtres d’oeuvre de la construction du barrage Gouin – qui constituaient les principales bases des opérations forestières de la papetière dont la maison mère était établie depuis près d’un siècle, à Berlin, ville du Nord du New Hampshire.


Avant 1947, et ce, pendant près d’une trentaine d’années, Sanmaur, qu’atteindra la ligne ferroviaire du Transcontinental en 1913, avait été plus ou moins un simple lieu de passage, pour la Fraser-Brace d'abord, puis les employés de la Brown, de la Commission des eaux courantes, de la St. Maurice Forest Protective Association, entre autres, et les bûcherons se rendant dans les camps environnants [2] – il est d’ailleurs fautif de parler de l’existence de camps de bûcherons à Sanmaur même, à ma connaissance, il n’y en aurait jamais eu –, de même que pour les marchandises destinées aux autres bases installées en amont et autour du village. Les différentes livraisons du Brown Bulletin, mensuel publié depuis 1919, montrenty bien que Windigo avait été le principal centre des activités forestières de la Brown jusque-là.


Ceux qui n'ont pas une idée précise de la géographie physique de ce vaste territoire en ont écrit toutes sortes de balivernes. Même certains historiens chevronnés des Bas mauriciens ont proposé des «incertitudes», des incongruités frisant l’anachronisme. L’histoire de ce que j’appellerais «l’intendance forestière» reste à faire : jusqu’ici, l’histoire ne s’est intéressée qu’aux métiers de bûcheron et de draveur, et à la vie dans les camps forestiers.


Dommage que le carnetier trifluvien du Nouvelliste, à l’instar de cet historien des Bas, responsable d’un ouvrage consacré à l’histoire de la navigation sur la Saint-Maurice, n’ait pas daigné pitonner un brin dans Internet pour y chercher noms, dates et renseignements pour documenter son article. D’ailleurs, dans le cas dudit historien shawiniganais, son ouvrage comporte moult omissions et erreurs qu'il n'aurait pas commises en pitonnant un peu.


C’est ainsi qu’Internet aurait mené Jean-Marc Beaudoin, d’ordinaire chroniqueur chevronné, aux sujets variés et intéressants, au précédent épisode de mon carnet, SANMAUR, inscrit en mai 2010, solidement documenté, qui venait corriger les assertions de son jeune collègue du Soleil, le quotidien de Québec à propos des «racines mauriciennes» de Boyle. M’enfin : monsieur Beaudoin aura eu le mérite d’insérer une nouvelle occurrence du toponyme qui m’est cher dans la gigantesque base de données de Google. Ce n’est pas rien. Je lui en sais gré.


Et, bien sûr, me reprochera-t-on, la critique est facile…



Et de deux…


Deuxième élément de l’actualité sanmauresque : la publicité liée à la mise en vente de l’ancien presbytère de Sanmaur, érigé en 1948, immédiatement après l'érection de la petite et coquette église. Le presbytère demeure l'un des rarissimes vestiges reconnaissables de la belle époque du village. Il a été converti en 2004 en un dépanneur et casse-croûte, puis en une petite auberge, Le Mistral. La proposition de vente comportait quelques approximations toponymiques.



La facette est de l‘édifice, illustrant un ajout à l’arrière. À droite, la maison érigée sur les fondations de la seconde école, inaugurée à l'automne 1949. L’apparence extérieure du bâtiment est demeurée quasi inchangée, tandis que l’intérieur en a été grandement remodelé. La publicité de l’agence immobilière n’était pas très claire, situant le commerce dans le territoire vaguement présenté comme étant «Sanmaur La Tuque (Rivière-Windigo)».

Source : publicité Internet Remax.


Mais ce fut un beau prétexte à sortir de mes archives diverses photos de cet immeuble et de ses modifications à travers les ans. Lors de mon passage à Sanmaur, en mai 2006, il m’a semblé que la clientèle de l’établissement se composait principalement d’agents de la SQ et de la police amérindienne de Wemotaci, à deux kilomètres à peine, sur la rive gauche de la Saint-Maurice.


En septembre, puis plus récemment, en novembre, j’ai pu causer un brin avec Murielle Clément, une Latuquoise d’adoption et conjointe d’un pilote de brousse d’Air Saguenay, qui m'a refilé quelques informations dans ce dossier. Dans l’attente d’une vocation nouvelle pour l’édifice, madame Clément s’occupe de la gestion de la petite auberge qui compte sept chambres, occupées, ces jours-ci (novembre 2011) par des travailleurs qui s’affairent à des projets de rénovation à Wemotaci.


Voici donc une galerie de photos de ce vestige architectural.


Le presbytère, dans son état originel, vers 1949. La soutane, c'est l'oblat Édouard

Meilleur, le premier curé de la paroisse Saint-Gabriel-Lallemand. Carte postale de l'époque.


Carte postale éditée au début des années 1950.


Noël 1953, dans le parloir du presbytère.
Albert Lesage personnifie saint Nicolas. Sauf erreur, il était mécanicien et fut à l'emploi de Gaston Pothier, le restaurateur de l'endroit qui détenait l'agence de tronçonneuses Stilth, ce qui fit de lui un millionnaire... Madame Lesage jouait de l'harmonium lors des cérémonies religieuses. Dans le groupe, des Pelletier, des Houle...

Photo : Léopold Lacasse

Hiver 1953. L'école, le presbytère et l'église, vus du sud-ouest.
Photo : Léopold Lacasse

Sanmaur, août 1960.
De gauche à droite, le restaurant de Gaston Pothier, l'école,
le presbytère et l'église, derrière le magasin général Thériault dont on aperçoit le faîte.

Photo : Pierre Cantin

Sanmaur, 1970. Coin inférieur droit : l'emplacement du restaurant de Gaston Pothier, l'un des lieux où se déroule l'intrigue du roman de Normande Élie, Escale à Sanmaur.
En avant-plan, la ligne du Canadien National. Photo aimablement fournie par Paul Tremblay.


Le presbytère dans les années 2000

Mai 2006. L'édifice devenu dépanneur. Photo : Pierre Cantin
Côté est. Photo : Pierre Cantin, mai 2006
Côté ouest. Photo : Pierre Cantin, mai 2006.
La façade donnant sur le sud. Photo : Pierre Cantin, mai 2006.

Le dépanneur devenu auberge. Photo : Pierre Cantin, novembre 2007.


L'auberge Le Mistral, 2010 ou 2011
(Photos de l'agence Remax)


Et de trois


Finalement, Sanmaur se retrouve de nouveau sur la mappe à l’occasion de la parution d’un fait divers relaté par le correspondant latuquois du Nouvelliste, Gabriel Delisle, que je livre ici in extenso.


*****

L'argent saisi lors d'une perquisition lui sera remis


Gabriel Delisle
Le Nouvelliste



- 11 août 2011 (La Tuque) Une femme de 52 ans vivant dans des conditions qui ont amené le Tribunal à la qualifier d'ermite, et qui a été reconnue coupable de trafic de drogue plus tôt cette année, l'a échappé belle hier au palais de justice de La Tuque. Le juge Jacques Trudel de la Cour du Québec a ordonné la remise à Danielle Bélair de 48 950 $, saisis lors d'une perquisition à son domicile, en 2006.

Le Tribunal estime que rien ne démontre que cet argent soit le produit d'un commerce illégal. La juge Trudel conclut que les conditions de vie minimalistes de Mme Bélair combinées aux différents emplois saisonniers qu'elle occupait ainsi qu'à ses économies personnelles lui ont permis d'amasser cette somme.

La dame réside dans le secteur de Sanmaur, près de la communauté atikamekw de Wemotaci, dans ce que plusieurs appelleraient un camp de chasse. Le domicile n'a même pas l'eau courante.

Les seules dépenses de la femme sont la télévision, l'électricité et le téléphone. Son train de vie sans consommation de luxe ainsi que ses preuves de cotisations à l'impôt ont fait pencher la balance en sa faveur.

Danielle Bélair a été reconnue coupable en mai dernier de trafic de cannabis et de haschisch. Elle a été condamnée à sept mois d'emprisonnement avec sursis, à une amende de 5000 $ ainsi qu'à une période de probation de deux ans.

Lors de l'opération policière, quelques centaines de grammes de cannabis ainsi que de haschisch ont été découverts de même que près de 53 000 $ en argent.

Toutefois, 4 000 $ seulement étaient rangés avec la drogue. Le juge Trudel a déterminé que la preuve de la poursuite ne démontre en rien que le commerce de drogue était important et qui permettait à Mme Bélair d'engranger de tel profit.


*****



[1] Le hasard, le hasard…


Voilà que j’apprends que la même agence immobilière est chargée depuis quelque temps de la mise en vente de l’une des plus anciennes institutions de restauration de La Tuque, Chez Scarpino, connues depuis les années 1940, sous le nom de «Le Pignon rouge», dont on trouvera moult photos sur la page


LA TUQUE, DES GENS, DES LIEUX, DES ÉPOQUES

(https://www.facebook.com/groups/106491422718720/ )


et dans le carnet du docte Hervé Tremblay,


LatuKoiseries

(http://latuquehistoire.blogspot.com/).


Le Restaurant Scarpino, à l'angle des rues Saint-Joseph et Saint-Louis.

Photo : Pierre Cantin, 22 mai 2006


Or, l’une des propriétaires de cet établissement est la fille aînée d’Alfred Labrecque, Doris. Sa famille occupait, à Chaudière, l’un des rudimentaires camps en bois rond voisins du nôtre, les Cantin. Jusque dans les années 1960, les deux familles ont continué de se voir.


Je ne sais si le vénérable établissement culinaire est encore en vente : on en demandait presque un demi-million de dollars. Et je ne sais pas non plus si, à cause de la voie de contournement, le trafic a ralenti au coeur même de la Reine de la Moyenne-Mauricie.


[2] Ces travailleurs forestiers pouvaient se reposer, à leur arrivée par le train de nuit, dans une espèce de dortoir aménagé au sous-sol de l’«office», l’édifice qui hébergeait les services comptables et le bureau d’embauche, situé tout près de la gare.


L'édifice administratif de la Brown, l'office, inauguré en janvier 1947. La photo est de 1956 et montre la bannière de la Canadian International Paper, qui avait acheté l'usine de La Tuque et les concessions de la Brown en décembre 1954. L'entrée du dortoir est visible à gauche, derrière l'immense panneau.


L'office, vers 1948. Cachée, en partie, la première école de Sanmaur.

À gauche, la butte qui sera nivelée en 1949.


*****


Petits extras


L'oblat Édouard Meilleur et ses accessoires de commis voyageur,

lors d'une visite dans un chantier forestier. Probablement fin des années 1940.





Et cette histoire de la canonisation de Sanmaur, me rappellerez-vous, évoquée dans le titre de mon épisode ? Eh bien ! voici le cas, amalgame d'hilarité et de loufoquerie...


C’est la « meilleure » des occurrences sanmauresques de l’année 2011 : cette belle « perle» papiste, «Saint-Sanmaur» [sic], c'est une drôlerie pondue par un zouave, une zouavesse, de l’archevêché de Québec, à qui j’avais demandé de me délivrer un acte d’apostasie en bonne et due forme pour signifier mon retrait des rangs de cette misérable multinationale vaticane, gérée actuellement par ce pédégé qui fut un joyeux membre des Jeunesses hitlérienne, non pas un GI Joe, mais un joseph réactionnaire de première, dont les prises de décisions s’avèrent souvent criminelles. Bref, après quelques accrochages épistolaires et téléphoniques, j’ai enfin reçu cette attestation sur laquelle on avait précisé, en toutes lettres, que j’ai été confirmé à SAINT-SANMAUR ! De ces simagrées, je n’ai pourtant point souvenance, encore moins du soufflet épiscopalien, sans doute administré par Georges-Léon Pelletier, un fieffé chauffard…


Cette nouvelle appellation de Saint-Sanmaur procède peut-être d’une nouvelle campagne d’évangélisation sauvage à l’oblate ! Et qui sait, la carte de la Haute-Mauricie pourrait se retrouver parsemée de nouveaux toponymes : Saint-Windigo, Saint-Rapide-Blanc, Saint Wemotaci, Saint-Gouin, amen